REVUE D’ÉTUDES MAÇONNIQUES ET SYMBOLIQUES
RENAISSANCE TRADITIONNELLE
AU FIL DES LIVRES,
par Pierre Molier.
L’alchimie occupe une place éminente et singulière dans l’ésotérisme occidental. Lorsque, entre 1730 et 1760, les loges spéculatives agrègent à leur corpus, surtout dans les « hauts-grades », de nombreux éléments issus des traditions ésotériques, l’alchimie rencontre la franc-maçonnerie. Certains milieux maçonniques en viennent même à penser que la symbolique de la pierre mise à l’honneur dans les loges voile la quête de la pierre philosophale. À partir d’Avignon, siège de l'« Académie des Vrais Maçons », la deuxième moitié du siècle des Lumières verra s’épanouir tout un courant de Maçonnerie alchimique. Ces cercles utilisent et interprètent la littérature alchimique selon des modalités passionnantes mais insuffisamment étudiées. Des débuts de la Renaissance au XVIIIe siècle, le nombre d’ouvrages imprimés consacrés au « Grand Œuvre » montre d’ailleurs la vitalité de l’intérêt pour la science d’Hermès dans l’Europe moderne. La Bibliothèque des Philosophes Chimiques, réunie par le médecin Guillaume Salmon, et publiée pour la première fois en 2 volumes en 1678 et contient 12 traités et près de 2000 pages de textes. Ce sera le dernier recueil en langue française de textes alchimiques imprimés en Europe. On y découvre tous les classiques comme Les Douze clefs ou L’Azoth de Basile Valentin – dont nous avons montré, il y a quelques années, les liens avec le grade de Chevalier du Soleil – mais aussi Le Triomphe hermétique de Limojon de Saint-Didier, La Lumière sortant par soi-même des ténèbres – dont Oswald Wirth avait établi en son temps les rapports étroits avec le grade de Philosophe Inconnu de Tschoudy – ou encore la belle Entrée ouverte du palais fermé du roi d’Irénée Philalèthe.
Il faut être reconnaissant aux éditions Beya de nous proposer ce qui est d'abord un outil de travail incomparable pour tout étudiant des courants ésotériques européens. Cette réédition, recomposée et très légèrement modernisée, rend disponible, sous une forme élégante et dans un volume restreint, l'éssentiel du corpus alchimique occidental. Outils de référence en matière d'érudition, ces deux forts volumes sont aussi une invitation à se replonger dans un univers extraordinaire. Quelles que soient les convictions du lecteur quant à la réalité, ou à la nature, de la pierre philosophale, ces textes nous font entrer dans un autre monde. On ne peut qu'être frappé par leur beauté et leur forte charge onirique. À ce titre aussi, ils sont hautement initiatiques.
N° 135 - 136 / juillet - octobre 2003
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