P. Ovidii Nasonis Heroides, inleiding, vertaling en commentaar door Denis Blanpain, Kraainem, 2024, pp. 292 à 294
Nous traduisons un passage de cet ouvrage consacré aux Héroïdes d’Ovide. Denis Blanpain est philologue classique. Il a publié, également en 2024, une traduction commentée des Amours du même poète latin. L’extrait, tiré de son commentaire sur la Lettre de Sappho, se réfère directement à la thèse présentée dans La Basilique secrète de la Porte Majeure :
« Au début du siècle précédent, on découvrit près de la Porte Majeure à Rome une basilique souterraine. Cette basilique est composée de trois nefs et d’une abside. Les plafonds et l’abside sont ornés de stucs. Dans l’abside, J. Carcopino crut reconnaître l’illustration de Sappho effectuant le fameux saut depuis le rocher de Leucade.
La basilique fut d’abord datée vers 50 après J.-C., mais sa datation a été réévaluée et située de manière convaincante (cf. Hans van Kasteel, La Basilique secrète de la Porte Majeure, Grez-Doiceau, 2016, résumant des publications antérieures depuis 1989) entre 25 et 20 avant J.-C., donc un peu plus tard que le temple d’Apollon [à Rome], en tout cas encore du vivant de Virgile (mort en 19 avant J.-C.), et avant la publication du premier recueil des Héroïdes (19-15 avant J.-C.). Les datations de Bastet [20 après J.-C.] et Carcopino [50 après J.-C.] y ont été reculées de façon probante.
Dans les scènes représentées à l’intérieur du monument, on reconnut aussitôt des allusions à la mythologie grecque, mais on n’y trouva aucune trace de cohésion. La scène de l’abside fit penser à la présente lettre [de Sappho] ; dans le cadre de l’ancienne datation de la basilique, Ovide, sans oublier la mention que Strabon fait de Sappho, aurait pu l’inspirer. Cependant, cette interprétation ne permettait pas d’expliquer les autres scènes. En raison de la nouvelle datation [20 avant J.-C.], il semble exclu que le texte d’Ovide ait pu servir comme source d’inspiration, le livre des Héroïdes n’ayant pas encore été écrit. D’ailleurs, la représentation de la femme qui descend du rocher en marchant ne correspond absolument pas à la description que Sappho donne d’elle-même. Un artiste doué comme celui qui est ici à l’œuvre n’aurait pas fait une telle erreur.
Il fallait donc peut-être inverser la perspective : c’était peut-être ce monument qui avait poussé Ovide à raconter l’histoire de Sappho, même si le tableau représentait autre chose.
La question restait donc en suspens : quelle scène est représentée dans l’abside ?
La réponse convaincante à cette question fut donnée par Hans van Kasteel en 1989.
La scène figure de manière allégorique la bataille d’Actium ; la femme est Cléopâtre occupée à fuir. L’imagerie employée répond parfois littéralement aux mots latins de Virgile (et non à la traduction qu’on en propose), si bien qu’il faut en réalité « lire » l’illustration comme un texte. La même chose vaut pour les autres scènes dans la basilique qui, toutes, constituent des tableaux renvoyant à des scènes de l’Énéide.
En considérant la date du monument et le fait qu’on ferma cette basilique, ou ce temple, peu après la mort de Virgile [19 avant J.-C.] (considérait-il le monument comme inachevé, comme c’était le cas pour son épopée ?), ainsi que le rôle proéminent joué par Virgile dans l’idéologie relative à Auguste (ce dernier insista à plusieurs reprises sur l’importance d’Apollon), il est très tentant d’attribuer à Virgile lui-même le rôle d’inspirateur ou de constructeur.
La basilique pourrait ainsi commenter et mettre en évidence le sens profond de son Énéide. Elle pourrait avoir été un lieu de méditation pythagoricienne. »
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Compte-rendu d'Odile Dapsens (Université d’Orléans - Université Catholique de Louvain): La Basilique secrète de la Porte Majeure ou Le Temple de Virgile , dans la Revue PALLAS, 109, 2019, pp. 315-329 - Notes de lectures – 319.
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Ne craignons pas de renvoyer au compte-rendu extrêmement critique paru dans la Revue des Études Anciennes. Certes, nous ne nous attendions pas à ce que la thèse révolutionnaire avancée dans Le Temple de Virgile fût accueillie dans le milieu universitaire sans résistance préalable ni sans qu'on y ressassât d'abord les mêmes arguments ayant cours depuis plusieurs décennies, ni enfin, avec une connaissance directe et approfondie de la thèse de doctorat de Bastet qui, de manière indiscutable, réfuta la datation du monument jadis défendue par le célèbre Carcopino.
Frédéric Dewez est licencié en Philologie Classique et docteur en langues et littératures anciennes. Il est actuellement détaché Segec comme conseiller pédagogique en langues anciennes.
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Revue Le Miroir d’Isis, n° 23, 2016
En 1917, on découvrit près de la Porte Majeure à Rome une basilique souterraine datant de l’Antiquité, en partie ornée de stucs à l’effet saisissant, représentant des scènes de l’Enéide de Virgile. Ces stucs sont contemporains de l’époque où Virgile composait sa célèbre épopée (entre 27 et 19 av. J.-C.), il est dès lors évident que le poète lui-même était directement impliqué dans la décoration de l’hypogée, chaque image collant au plus près au passage du poème qu’elle illustre. Les scènes constituent un commentaire, souvent surprenant, mais très précis, du texte de l’Énéide. Certains voient d’ailleurs dans l’Énéide une succession de véritables tableaux peints ou sculptés, réunis dans un ensemble architectural. Une thèse et des commentaires qui suscitent des arguments passionnés… et passionnants…, d’autant que la Basilique de la Porte Majeure, après des années de fermeture, est aujourd’hui ouverte et visitable, à certaines conditions.
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